La police sécurise la scène d’une fusillade dans le centre-ville d’Oslo, le 25 juin 2022 © JAVAD PARSA
Homophobie : l’attentat d’Oslo et la décision de la Cour Suprême, doivent faire réfléchir sur les droits fragiles des LGBT
La veille de la Marche des fiertés, dans la nuit de vendredi à samedi, un norvégien d’origine iranienne a ouvert le feu devant une discothèque gay faisant deux morts, et 21 blessés, dont dix dans un état grave. Un acte terroriste qui inquiète, vu la montée de l’extrême droite dans le monde.
A peine remis de la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis, qui a annulé vendredi 24 juin, l’arrêt Roe vs Wade qui reconnaissait depuis 1973 le droit à l’avortement au niveau fédéral, cet attentat terroriste perpétré contre des personnes homosexuelles en Norvège, devrait nous amener à nous interroger des répercussions possibles sur les droits des personnes LGBT dans un contexte de poussée historique de l’extrême droite et des mouvements conservateurs.
Les meurtres contre les LGBT sont en nette progression
Les hommages aux victimes du Pulse, à Orlando, en 2017, un an après la tuerie © DR
La Norvège qui s’apprêtait à fêter la marche des fiertés, organisée ce 25 juin dans plusieurs capitales, s’est donc réveillée sous le choc et a dû annuler sa manifestation. Les messages de soutien n’ont pas tardé à affluer, et sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre était, #Oslove. Cette tuerie requalifiée en acte terroriste, fait écho au Pulse à Orlando, cette boîte de nuit emblématique de la communauté LGBT+, revendiquée par l’État islamique, qui avait fait 49 morts et 53 blessés le 12 juin 2016. La police d’Oslo a précisé que deux armes avaient été saisies et le responsable de la police, Tore Barstad, lors d’un point de presse a déclaré : « Tout indique maintenant qu’il y avait seulement une personne qui a commis ce geste » en ajoutant que l’enquête devra faire la lumière sur d’éventuelles complicités en amont. Aux Etats-Unis, la plupart des meurtres homophobes ou transphobes sont commis par arme à feu, et dans certains cas les auteurs peuvent invoquer le « gay panic defense » « panique homosexuelle » ou encore « avances homosexuelles » et voir leur peine de prison réduite ou d’y échapper complètement. En résumé, un accusé peut avancer l’argument suivant : « Je l’ai tué, certes, mais il m’avait provoqué. » En septembre 2015, James Miller, policier à la retraite, a tué Daniel Spencer de deux coups de couteau, et s’est défendu en accusant son voisin de 37 ans de moins que lui, de lui avoir fait des avances sexuelles. Malgré son crime, il n’est jamais passé par la case prison. Très controversée, cette disposition est encore en vigueur dans la plupart des Etats américains.
Aux États-Unis, trois quarts des personnes transgenres tuées depuis 2017 l’ont été par arme à feu. Les femmes noires transgenres sont particulièrement vulnérables, selon des données publiées par l’ONG Everytown for Gun Safety et relayées par le média américain CBS News. Selon The Human Rights Campaign, le premier groupe de défense des personnes LGBT aux États-Unis, depuis début 2019, sur 22 meurtres de personnes transgenres, 17 sont liés aux armes à feu, et l’écrasante majorité sont des femmes noires transgenre. Selon The Human Rights Campaign, ces femmes racisées sont d’autant plus la cible de violences car elles se trouvent « à l’intersection toxique entre racisme, sexisme, transphobie, et dans des milieux où les armes sont facilement accessibles ». Trois femmes noires transgenres ont elles aussi été tuées par arme à feu à Dallas, au Texas, rapporte BBC News. Interrogée par CBS News, la secrétaire nationale de Human Rights Campaign souligne qu’une personne qui veut nuire ou attaquer un homme ou une femme transgenre pose une menace d’autant plus grande avec une arme à feu : « La haine est dangereuse, mais la haine dotée d’une arme peut être meurtrière », dénonce Sarah McBride. Un rapport intitulé « Une crise de la haine », publié par l’association de défense de la communauté LGBT New York City Anti-Violence project, révélait une explosion des violences et des homicides contre la communauté LGBTQ depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
D’autres droits sont menacés
Clarence Thomas, le juge de la Cour Suprême qui veut revenir sur le mariage pour tous et la contraception © Roger L. Wollenberg
Depuis que la Cour Suprême des Etats-Unis est revenue sur l’arrêt Roe vs Wade que l’on pensait gravé dans le marbre depuis près d’un demi-siècle, garantissant le droit des Américaines à avorter, on est endroit de s’inquiéter sur les droits constitutionnels des autres minorités acquis après tant de luttes. La vis-présidente Kamalis Haris a prévenu que la Cour Suprême pourrait aussi revenir sur le mariage pour tous, et les mariages interraciaux. Toutes ces craintes sont ravivées par les déclarations de Clarence Thomas, considéré comme le plus conservateur de la Cour suprême des Etats-Unis. Cet Afro-américain pourtant issu d’une famille noire et pauvre, est devenu un farouche opposant à toutes les lois sociales. Après l’avortement, il a proposé de revenir sur les droits à la contraception et au mariage pour tous. « Dans de futurs dossiers, nous devrions revoir toutes les jurisprudences », a-t-il écrit. Il cite trois arrêts en particulier : « Grisol v. Connecticut » de 1965, qui consacre le droit à la contraception, « Lawrence v. Texas » de 2003, qui rend inconstitutionnelles les lois pénalisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Et, aussi, « Obergefell v. Hodges », l’arrêt de 2015 protégeant le mariage pour tous au niveau des Etats-Unis, et qui reste une cible prioritaire de la droite religieuse. Le profond remaniement de la Cour suprême sous la présidence de Donald Trump, qui a nommé trois nouveaux juges, fait redouter aux démocrates, à des juristes et à de nombreuses associations que d’autres droits, dont celui au mariage pour les personnes de même sexe, puissent être prochainement sur la sellette. Et qui c’est si le pire n’est pas encore à venir…
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