La Collection Morozov à la Fondation Louis Vuitton © Jean-Ralph Adiba

L’exceptionnelle collection Morozov Icône de l’Art moderne à la Fondation Louis Vuitton, un éblouissement à ne pas manquer

La Fondation Louis Vuitton présente depuis le 22 septembre 2021, La Collection Morozov, l’une des plus importantes du monde, qui rassemble près de 200 chefs-d’œuvre. C’est la première fois que la Collection voyage hors de Russie. Elle est prolongée jusqu’au 04 avril 2022.

Après la collection Sergueï Ivanovitch Chtchoukine, premier volet du thème Icônes de l’Art moderne, je découvre avec bonheur, la collection des frères Mikhaïl et Ivan Abramovitch Morozov, nés respectivement en 1870 et 1871, qui constitue le second volet. Après avoir parcouru cette merveilleuse exposition, j’ai hâte d’appréhender le troisième.

Le talent russe s’épanouit à Paris

Portrait d’Ivan Abramovitch Morozov,  Valentin Sérov. Moscou, 1910  

Si je découvre l’Art russe, d’emblée j’apprécie les portraits si réalistes, et si chaleureux. J’ai l’impression de rendre visite à mes cousins, tantes et grands-oncles du siècle dernier. Avec Valentin Sérov et les portraits de frères Morozov, la peinture russe dégage une force et une vitalité communicative. Konstantine Makovski brosse le portrait mondain de la sublime Varvara Aléïevna Morozova, la mère de Mikhaïl et Ivan, qui dirigeait avec une intelligence subtile le négoce de tissu qui a permis aux deux frères de s’offrir cet aréopage de tableaux si exceptionnel.

Un autre artiste Konstantine Korovine a peint un portrait express d’Ivan en moins de deux heures, sur un pari fou, qui montre s’il en était le talent de tous ces peintres russes, et qui formaient une symbiose avec leur homologue français.  

Une foule dense, il est pourtant à peine midi, se presse, qui avec son téléphone, qui avec son appareil photo, immortalise là un paysage, ici la Provence, là deux personnages dans les bras l’un l’autre, symbolisent l’amour avec grand A, merci monsieur Rodin.

Le Fumeur Homme à la pipe Paul Cézanne 1891-1892

La passion des frères Morozov pour la France

Cette collection reflète non seulement un goût de bon aloi, mais aussi une certaine avance sur son temps, et surtout un amour démesuré pour la peinture française, et indirectement pour la France, où Ivan se rendait très souvent pour acquérir les tableaux et les sculptures qui font maintenant l’admiration du monde entier.

Le peintre Cézanne a une place toute particulière dans cette collection car quand Ivan acquit deux portraits masculins Le fumeur Homme à la pipe et Autoportrait à la casquette, ces tableaux servent de référence au très large cercle d’artistes qui gravitent autour du collectionneur et qui s’inspirent grandement de l’œuvre du peintre. C’est principalement grâce à ces paysages, notamment les deux variantes de la montagne Saint-Victoire que le peintre séduira définitivement le collectionneur.

La première fois que Mikhaïl Morozov acquit des toiles de Gauguin il donne à son frère la bonne idée d’en faire autant et c’est pourquoi cette collection entre Café à Arles et Eu haere ia oe (Où vas-tu ?) constitue une des plus belles réunions des tableaux de Gauguin. Je suis tombé en extase devant les deux tableaux de Picasso, Les deux saltimbanques et surtout Acrobate à la boule que j’ai vu moult fois et dont j’ignorais totalement la provenance, maintenant je l’ai capturé et je sais que je peux le retrouver quand j’en aurais envie pour mon petit plaisir personnel. Néanmoins, j’espère un jour avoir la joie de découvrir les musées russes dont j’entends si souvent les louanges. Parmis eux, celui de l’Hermitage à Saint Pétersbourg et celui bien sûr des Beaux-Arts Pouchkine à Moscou, qui doivent être aussi d’un accueil et d’une richesse exceptionnelle.

Le tourment de Vang Gogh sublimé dans la Ronde des prisonniers

La ronde des prisonniers Vincent Van Gogh 1890

Au fil des salles visitées, je m’arrête devant Les marines de Derain Le séchage des voiles à Collioure, devant Van Gogh avec La mer aux Sainte-Marie. La ronde des prisonniers du même Van Gogh se trouve dans la pénombre, éclairé seulement pour mieux faire ressortir la dureté de l’emprisonnement, et l’enfermement carcéral où se trouvait le peintre dans l’asile psychiatrique à Saint Rémy de Provence. Je suis ému en pensant à cet artiste de génie, cet artiste maudit, qui était toujours dans un combat permanent entre lui et lui, allant jusqu’à se mutiler en se sectionnant une oreille.

C’est grâce à la gentillesse du bon Dr Gachet qu’il trouvera enfin un repos bien mérité à Auvers-sur-Oise où il s’éteindra à l’âge de 37 ans. C’est en ce lieu que depuis, une immense foule d’admirateurs vient rendre hommage à ce génie de la peinture moderne. Le peintre Henri Matisse avec son triptyque marocain La vue de la fenêtre, Zorah sur la terrasse, La porte de la Casbah, constituent le chef d’œuvre de la période du peintre réalisé à Tanger lors d’un voyage et qui a subjugué littéralement Ivan Morozov.

L’apothéose de cette visite : les cinq panneaux muraux de Maurice Denis, sublimes de couleurs, d’amour et de passion retracent l’histoire de Psyché. En complément de cette décoration exceptionnelle, le collectionneur a commandé quatre sculptures à Aristide Maillol, inspirées par la muse et le grand amour de sa vie, Dina Virny.

Ce fut une source de joie et un immense bonheur, d’admirer cet aréopage d’artistes russes et français tout en savourant ces chefs d’œuvres réunis en ce lieu mythique, réalisé par le grandiose Frank Gehry, et que je recommande d’aller visiter. Si certains musées parisiens possèdent des collections exceptionnelles, Orsay ou l’Orangerie par exemple, cette collection Morozov est une ode non seulement à l’art, mais aussi à la complicité intellectuelle et artistique entre nos deux peuples.  

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