Présentation des œuvres royales d’Abomey © musée du quai Branly–Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine.
Le Bénin à l’honneur au Quai Branly, pendant la restitution de ses œuvres pillées par la France
La France va restituer au Bénin 26 œuvres pillées par les troupes coloniales. À l’occasion de cet acte de réparation, le Quai Branly organise une semaine événementielle qui met à l’honneur les arts, la culture et les traditions du Bénin.
C’est une première historique, et c’était une promesse du président de la République française. Après des années de polémique, le vœu formulé par Emmanuel Macron de restituer au Bénin 26 œuvres d’art pillées par les troupes coloniales françaises en 1892 est tenue, non sans quelques grincements de dent de quelques parlementaires français. Une cérémonie organisée à cette occasion mercredi 27 octobre a eu lieu au musée du Quai Branly pour rendre au Bénin ces pièces, détenues par la France depuis 130 ans.
Espace dédié au Royaume du Bénin au musée du quai Branly © Léo Delafontaine / Musée du quai Branly
Monuments Men
Deux conservateurs béninois, sont en France pour organiser le retour des œuvres. Deux « Monuments Men » Abdoulaye Imorou conservateur et gestionnaire des Palais Royaux d’Abomey et Calixte Biah conservateur du musée d’Histoire de Ouidah ont donc cette lourde charge émotionnelle de ramener chez sur la terre de leur ancêtre ces œuvres arrachées au Royaume du Dahomey. Au Bénin, elles iront d’abord dans un lieu de stockage, puis dans d’autres lieux de manière pérenne : à l’ancien fort portugais de Ouidah et à la maison du gouverneur, lieux historiques de l’esclavage et de la colonisation européenne, en attendant la construction d’un nouveau musée, le musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomé, à Abomey, capitale historique de l’ancien royaume, une des destinations touristiques emblématiques du Bénin.
Photo de 1934 montrant les trônes royaux au palais du roi Glélé (Bénin) / François Steinwetz / musée du quai Branly
Des pièces pillées lors de la mise à sac du palais d’Abomey
Les œuvres restituées au Bénin sont des statues de trois rois de l’ancien royaume d’Abomey, objets d’art et aussi objets sacrés, les trônes en bois sculpté des rois Ghézo (1818-1858) et Glèlè (1858-1889), de style afro-brésilien, un tabouret tripode, un récipient et couvercle en calebasse sculptée, les portes ornées du palais du roi Glèlè, des pièces de tissu, un sac en cuir…
Ces pièces ont été pillées lors de la mise à sac du palais d’Abomey par les troupes coloniales du général Dodds en 1892, avant l’envoi en exil en Martinique puis en Algérie du roi Béhanzin. Selon des experts, 85 à 90% du patrimoine africain serait hors du continent. Au moins 90 000 objets d’art d’Afrique subsaharienne sont dans les collections publiques françaises. 70 000 d’entre elles sont conservés au Quai Branly, dont 46 000 sont arrivées durant la période coloniale.
Ramener la statue à la maison !
Le 12 juin, 2020 afin d’alerter sur la présence dans les musées français de milliers d’objets d’art africains spoliés pendant la colonisation, cinq militants s’étaient emparés d’une statue au musée du Quai Branly au cri de : « on la ramène à la maison ! » et avaient jugés le 30 septembre 2020 à Paris. Ils avaient tenté de s’emparer d’un poteau funéraire et leur leader Emery Mwazulu Diyabanza avait justifié : « Nous n’avions aucune intention de voler cette œuvre, mais nous continuerons tant que l’injustice du pillage de l’Afrique n’aura pas été réparée. »
Le nouveau Président du Quai Branly, le Kanak Emmanuel Kasarhérou tient tout de même à nuancer : « Tous les objets qui sont dans les collections en Europe n’ont pas été volés », a souligné dans une interview à l’AFP le président du musée du Quai Branly. Le musée s’est engagé dans un travail de recherches pour identifier dans ses collections les objets acquis « de manière problématique ». « Cela consiste à faire un travail quasi-exhaustif sur les 300 000 œuvres du musée (…) pour identifier celles qui auraient été prises de manière violente sans le consentement des propriétaires, par des prises de guerre ou par des coercitions de l’administration coloniale. Ça peut être assez simple comme pour les 26 objets du Bénin car il s’agissait d’une campagne militaire qui a donné lieu à beaucoup d’archives. Mais beaucoup d’objets ont été acquis de seconde ou de tierce main et c’est beaucoup plus difficile », ajoute Emmanuel Kasarhérou.
Une semaine culturelle en concertation avec le Gouvernement de la République du Bénin
A partir du mardi 26 au dimanche 31 octobre l’exposition BÉNIN, la restitution de 26 trésors royaux d’Abomey rassemblera toutes les œuvres qui seront ensuite restituées à la République du Bénin. À travers une scénographie originale, cette exposition se veut didactique et développe différents aspects de l’histoire des œuvres : de leur création à leur avenir dans leur pays d’origine en passant par une description précise du conflit colonial, de leur muséographie parisienne pendant plus d’un siècle et des spécificités juridiques du processus de restitution.
Cette semaine comprend également un colloque scientifique international, une matinée de rencontres et de discussions sur les projets muséographiques qui seront proposés au public. Autres temps forts de cette semaine événementielle, la programmation de spectacles et d’un cycle de cinéma. A noter que toutes ces propositions seront gratuites et accessibles au public aux heures d’ouverture du musée, et que cette programmation a été conçue en concertation avec le Gouvernement de la République du Bénin.
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