Illustration du récit de Céka « L’homme de l’année » des éditions Delcourt © Benjamin Blasco-Martinez

Jack l’Eventreur : le serial killer de Whitechapel qui a tenu en échec Scotland Yard

Jack l’éventreur, le plus célèbre meurtrier de l’Histoire, a débuté ses terribles crimes, du mois d’août, jusqu’à l’automne 1888. En l’espace d’à peine deux mois, 5 prostituées du quartier le plus pauvre de Londres, Whitechapel, ont été retrouvées égorgées et dépecées avec sadisme.

Dans la nuit du 8 août 1888, la police découvre l’une des scènes de crime les plus célèbres de l’histoire. Dans une rue de Whitechapel, l’un des quartiers populaires de l’East End de Londres, le corps affreusement mutilé d’une prostituée d’une quarantaine d’années est retrouvé, suivi par quatre autres meurtres de prostituées. Quelques semaines plus tard le 25 septembre, une lettre écrite à l’encre rouge parvient à la Centrale de presse britannique : « pendant que les crimes font les beaux jours de la presse populaire, l’enquête piétine ». Signé : Jack The Ripper dit « Jack l’Eventreur »…L’identité de ce tueur sadique était un mystère jusqu’à ce que l’ADN parle enfin, mais sans être certain à 100%.  

Signé : Jack the Ripper

Le crime de Jack l’Eventreur illustrée dans une rue de Whitechapel © ERNEST CLAIR-GUYOT /WIKIMEDIA COMMONS

1887, après un demi-siècle d’un règne digne et populaire, Londres célèbre le Jubilé de la reine Victoria également impératrice des Indes. Malgré le faste de la cérémonie, la Grande-Bretagne est séparée, avec d’un côté une bourgeoisie méprisante et de l’autre, les « bas-fonds victoriens », des débris humains, avec ses ruelles monstrueuses, ses hordes d’indigents, d’aigrefins, de pickpockets, d’assassins, de prostituées. Des lieux infects où il ne faut pas s’aventurer. C’est dans ce décor d’angoisse, qu’une série de meurtres d’une violence inédite va venir secouer l’opinion publique. Tous les journaux de l’époque relatent de « terribles meurtres ». Lundi 1er octobre, le Times précise que ces meurtres seraient dus « aux mêmes mains diaboliques. Délibérément organisés et accomplis par une personne qui n’est pas novice en ce travail, leur récurrence à de brefs intervalles donne la certitude que les deux crimes de dimanche matin ne seront pas les derniers du genre ».  Le mystérieux assassin va jusqu’à défier la police en envoyant un communiqué le 28 septembre à Central News Agency : « J’ai décidé de m’occuper des putains et ne cesserai de les éventrer tant qu’on ne m’aura pas agrafé » signé : Jack the Ripper, « Jack l’Éventreur ». Des dessins satiriques de Punch : le « jeu de colin-maillard » représente un policier, les yeux bandés, à la recherche des criminels. Un autre dessin représente une silhouette fantomatique, au visage de mort, qui brandit un coutelas et étend une main gauche aux doigts crochus avec cette légende : « Un fantôme flotte dans l’atmosphère pourrie du taudis, il prend forme aux yeux de qui a le don de voir et devient le spectre de cet air puant. Contemplez-le, car il est vain de chercher à fuir. La main rouge, sans merci, furtive, penchée en avant, c’est le crime meurtrier, c’est la Némésis, la vengeance des dieux contre la négligence ! » Le choc est tel que qu’il laissera des traces dans la mémoire collective des Londoniens, et le quartier de Whitechapel sera dorénavant associé à Jack l’Éventreur. L’horreur et la fascination pour cet assassin va nourrir l’imagination de nombreux auteurs, dont Sir Arthur Conan Doyle qui créera l’année suivante en 1889 le légendaire Sherlock Holmes.

Toutes les victimes sont des femmes

Les cinq victimes : Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly © Illustrated Police News, 6 October 1888

Ce qui frappe les policiers en charge de l’enquête c’est la coïncidence entre les victimes.  Ce sont toutes des femmes, des prostituées tuées avec le même mode opératoire : saisies par-derrière, avec la gorge tranchée et horriblement mutilées. Les crimes ont été commis entre minuit et cinq heures du matin, le premier ou le dernier week-end du mois, à l’heure de la nouvelle lune ou du dernier quartier de la vieille lune. Les cinq victimes sont : Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly. Catherine Eddowes a été éventrée à l’aide d’un couteau acéré, ses intestins lui ont été arrachés et enroulés autour de l’épaule droite, une partie du foie a été découpée, défigurée, avec les cils entaillés, le lobe de l’oreille droite tranché. Le même jour c’est Elisabeth Stride, qui sera tuée un peu avant, à quelques centaines de mètres. Le 9 novembre Mary Kelly, une irlandaise de vingt ans est dépecée dans sa chambre. Ses voisins diront qu’un homme élégant, probablement riche et bourgeois lui avait rendu visite quelque heures auparavant. Autres détails morbides, les seins et les reins de Mary Kelly seront découpés et déposés à côté d’elle. Quel est donc le mobile du tueur ? Visiblement il n’a pas tué pour voler, car toutes ses victimes sont des misérables sans le sou. Le refoulement sexuel, la pulsion érotique, le plaisir sadique ?

Ces faits divers atroces mettent en exergue la morale de cette époque. Les prostituées mises au banc de la société, deviennent tout à coup un sujet de conversation dans une société qui ne voulait pas les voir. Les sujets tabous comme les relations sexuelles hors du mariage, suscitent angoisse, a fortiori l’homosexualité qui vaudra quelques années plus tard sa liberté et son honneur à Oscar Wilde. La psychanalyse n’étant pas encore née, le lien entre les pulsions sexuelles du tueur et la violence des meurtres ne sera pas établie.

Malgré les tests ADN, le mystère demeure  

Le Dr Jari Louhelainen, procédant à des tests ADN sur un châle retrouvé le 30 septembre 1888 sur la scène de crime de la 4e victime de Jack l’éventreur © DR

En 2014 le Daily Mail rapporte que le tueur en série était un barbier polonais du nom d’Aaron Kosminski. Le cold case commence lorsque Russel Edwards, un homme d’affaires britannique, décide en mars 2007 d’acheter aux enchères le châle porté à l’époque par Catherine Eddowes, l’une des victimes du tueur. L’analyse du châle avait révélé des traces d’ADN et de sperme. Mais ceux-ci bien qu’ayant donné un « perfect match », avec les descendants du tueur, ont été critiquées et rejetées par des scientifiques, notamment le professeur Alec Jeffreys, inventeur de la technique d’analyse de l’ADN. En 2019, deux généticiens britanniques Jari Louhelainen et David Miller dans un article publié par le Journal of Forensic Sciences, grâce à de nouvelles preuves scientifiques, attestent bien de l’identité du serial Killer. Toujours à partir de fragments d’ADN, les chercheurs ont mené des tests génétiques en analysant le châle recouvert de sang et qui se trouvait à côté du corps de Catherine Eddowes. Ils les ont comparés aux ADN prélevés sur les descendants vivants, et connus, du principal suspect de l’époque : Aaron Kosminski. La correspondance trouvée mène encore au barbier polonais, âgé de 23 ans au moment des faits, arrêté mais relâché par Scotland Yard faute de preuves. Mais encore un fois les scientifiques restent prudents dont la généticienne Nina March pour qui « La méthodologie est quasiment inexistante et les techniques d’analyse employées sont contestables ».

Aaron Kominski demeure l’un des principaux suspects notamment parce que les meurtres ont subitement cessé, du jour où il a été interné dans un établissement psychiatrique, mais d’un point de vue scientifique en revanche, rien ne garantit que ce soit lui l’assassin. Aaron Kosminski était né dans le centre de la Pologne et avait rejoint Londres dans les années 1880 avec sa famille, non loin des différents lieux où ont été commis les meurtres. Celui-ci a fini sa vie en asile, où il décèdera à l’âge de 53 ans.  Selon certains spécialistes, le barbier souffrait d’hallucinations auditives et de paranoïa.

Un personnage qui va nourrir l’imagination de nombreux auteurs

Affiche du film « From Hell » d’Albert et Allen Hughes avec Johnny Depp et Heather Graham © Don Murphy et Jane Hamsher

La renommée de Jack l’Éventreur a enflammé l’imagination des jeunes intellectuels victoriens comme Conan Doyle, mais aussi inspiré des dramaturges et des cinéastes. En France Marcel Carné a confié en 1937 à Jean-Louis Barrault une incarnation comique de l’Éventreur dans Drôle de drame, et dans Honni soit qui mal y pense, Claude Rich sera un jeune lord-Éventreur. En Angleterre, des shows (The Jack the Ripper Show, 1973), des films (Hands of the Ripper, avec Eric Porter, 1971) au théâtre avec Ripper (1973) et Jack the Ripper (1974) dans deux salles de Londres. A l’opéra c’est Alban Berg qui s’en inspirera dans Lulu. Mais le chef-d’œuvre du genre, reste celui de Fritz Lang en 1931 avec M. le maudit d’après les crimes de Peter Kùrten, grand admirateur de Jack l’Eventreur. Dans la littérature on peut citer le roman de Colin Wilson, publié en 1966, traduit en français dès 1969 sous le titre La cage de verre. Parmi la pléthore d’œuvres de fictions figurent Jack l’Eventreur (Jack the Ripper) de David Wickes sorti en 1988 avec Michael Caine, Armand Assante et Ray McAnally. Et plus récemment From Hell réalisé par Albert Hughes et Allen Hughes avec Johnny Depp, Heather Graham, adapté du roman graphique From Hell d’Alan Moore et Eddie Campbell publié en 10 volumes de 1991 à 1996 et qui a reçu le prix de la critique à Angoulême en 2001.

1 réflexion sur “Jack l’Eventreur : le serial killer de Whitechapel qui a tenu en échec Scotland Yard”

  1. Très exhaustif et constructif voire captivant cette enquête sur le plus grand criminel de l’histoire.

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