Jean-Louis Trintignant © Jack Robinson
Disparition : Et Dieu créa… Jean-Louis Trintignant
Jean-Louis Trintignant, l’acteur de Et Dieu… créa la femme et Amour est « mort paisiblement, de vieillesse, hier, chez lui, dans le Gard, entouré de ses proches », à 91 ans, a annoncé son épouse Mariane Hoepfner Trintignant dans un communiqué transmis par son agent.
Le 6 août 2003, en présence d’une assistance vêtue de blanc comme l’a demandé la famille, Jean-Louis Trintignant est entouré de ses amis au Père Lachaise pour les obsèques de sa fille Marie. Il aura cette phrase magnifique et inoubliable : « ne pleure pas de l’avoir perdue, mais réjouis toi de l’avoir connue ». L’incontournable comédien de théâtre, interprétait là le rôle le plus douloureux de sa vie. Le père et la fille ont joué ensemble et entretenait la relation la plus fusionnelle du cinéma et du théâtre français. Pendant le tournage de Conformiste, de Bernardo Bertolucci il avait déjà perdu sa première fille Pauline. « A ce moment-là », avait-il dit à Nadine Trintignant : « soit on se suicide, soit on accepte de vivre pour Marie… » Jean-Louis Trintignant n’est pas mort hier 17 juin 2022, mais le 1er août 2003 date du décès de Marie. Sa carrière de comédien après cet événement tragique, ne sera plus qu’une longue prosopopée.
« Je suis mort le 1er août 2003 »
Jean-Louis Trintignant et Brigitte Bardot dans «Et Dieu créa la femme» de Roger Vadim © Iéna/UCIL/Cocinor
Cette déclaration poignante, Jean-Louis Trintignant l’a faite à la journaliste Catherine Ceylac, dans le livre d’entretiens À la vie, à la mort. Le premier jour du reste de sa vie Jean-Louis Trintignant se remémore donc sa naissance le 11 décembre 1930 à Piolenc dans le Vaucluse. Son père Raoul Trintignant, est un industriel, maire de Pont-Saint-Esprit résistant et sa mère issue d’une riche famille de Bollène qui sera tondue après la guerre pour avoir eu une relation avec un Allemand. Il ne comprendra que bien plus tard pourquoi dans le choix de ses rôles il n’acceptait d’interpréter que des personnages qu’il détestait, aux antipodes de ses valeurs, aidé d’un sourire carnassier qui rappelle un François Mitterrand ou un Jack Nicholson. Arrivé à Paris, Jean-Louis Trintignant suit les cours de comédie de Charles Dullin, et monte sur les planches en 1951. C’est le cinéma qui va le révéler en 1956 dans la peau d’un amoureux tourmenté dans le sulfureux Et Dieu… créa la femme de Roger Vadim avec Brigitte Bardot dont il deviendra l’amant. Puis dix ans plus tard c’est Claude Lelouch qui l’entraine dans le tourbillon de Chabadabada de Francis Lai, générique du film, Un homme et une femme, au côté d’Anouk Aimée. Une des plus belles histoires d’amour au cinéma qui recevra la Palme d’or du Festival de Cannes 1966, et l’Oscar du meilleur film étranger l’année suivante. Sans doute aurait-il raflé tous les César, s’ils avaient existé alors. Mais c’est avec la réalisatrice Nadine Trintignant qu’il vivra vingt ans d’une passion intense. Ils tourneront dans cinq films et auront trois enfants. Pauline (1969-1970) Marie (1962-2003) et Vincent (1973), devenu lui aussi acteur, scénariste et producteur. En 1969 Z de Costa-Gavras lui offre le prix d’interprétation à Cannes pour son rôle de jeune juge d’instruction, prix qu’il n’ira pas chercher préférant rester chez lui. Il confiera des années pus tard qu’il n’aime pas Cannes, ni le cinéma, lui préférant le théâtre. Et c’est sur les planches qu’il jouera avec sa fille Marie au théâtre Hébertot dans une pièce de Samuel Benchetrit Comédie sur un quai de gare. Après la mort tragique de sa fille morte sous les coups de son compagnon le chanteur Bertrand Cantat, Jean-Louis Trintignant délaissera le cinéma pendant une dizaine d’années avant d’y revenir par et dans Amour en 2012 de Michael Haneke.
Par amour
Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva dans « Amour » de Michael Haneke © Festival de Cannes
C’est le réalisateur autrichien Michael Haneke qui parviendra finalement à convaincre Jean-Louis Trintignant de revenir jouer au cinéma. Et Amour, après Un homme et une femme recevra la Palme d’or à Cannes en 2012. C’est finalement par amour pour le souvenir de sa fille qu’il donna l’illusion de rester vivant. A Claire Chazal qui l’interrogeait dans l’émission Entrée Libre il confiait : « ça ne guérit pas ». Depuis quinze ans, ça m’a complètement abattu. Je suis mort il y a quinze ans, avec elle. » La journaliste lui demande alors ce qui l’a aidé à traverser cette phase, il répond appuyé sur sa canne que « rien » ne l’a aidé : « Je vais très mal… ». Atteint d’un cancer de la prostate, il avait même évoqué dans une interview à Nice Matin, l’envie de se suicider, mais avait finalement choisi au côté d’Emmanuelle Riva sa partenaire dans Amour, de défendre, des sujets tabous comme la maladie, la vieillesse, la déchéance. Face à son cancer il avouait ne plus vouloir faire de chimiothérapie, juste « un nouveau truc », avec un médecin marseillais. « Je ne me bats pas, je laisse faire ». Malgré ses deux succès à Cannes il confiait à L’Obs que le Festival, était pour lui une corvée. Jean-Louis Trintignant acceptera tout de même de revenir au cinéma et à Cannes en 2017 pour le réalisateur autrichien Michael Haneke pour finir sur un Happy end en 2017, son dernier film au côté d’Isabelle Huppert, Mathieu Kassovitz et Toby Jones.
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