Capture du documentaire « The Patriot » © TTV Production LTD
Internet : le hackeur Ulcan exilé en Israël condamné à deux ans et demi de prison ferme
Grégory Chelli dit Ulcan, a été reconnu coupable mardi 11 janvier de quatorze infractions dans quatre dossiers de harcèlement numérique. Condamné à deux ans et demi de prison ferme, un mandat d’arrêt a été ordonné.
Voilà qui ressemble à un scénario digne des séries qui cartonnent sur les plateformes comme Netflix, Amazon Prime, ou Apple TV. C’est depuis la ville israélienne d’Ashdod, près de Tel-Aviv, où il vit depuis 2013, que Gregory Chelli, dit « Ulcan », a pris connaissance, mardi 11 janvier, de la peine prononcée contre lui par la 14e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Mais qui est ce hackeur, et que lui reproche la justice française ?
Ulcan pour ses canulars extrêmes
Capture d’écran ©Internet
Connu sous le pseudo Ulcan pour ses canulars extrêmes, Grégory Chelli, autoproclamé « justicer » ou « militant sioniste », en faisait la publicité sur son site internet et sur les réseaux sociaux. Le pirate s’est lui-même investi d’une mission : identifier, traquer puis harceler les « ennemis d’Israël ». Et pour lui, ils sont nombreux. Ancien de la Ligue de défense juive, Ulcan loge tous ses ennemis à la même enseigne, qu’il s’agisse de l’essayiste négationniste Alain Soral, d’associations pro-palestiniennes ou de médias qui se risquent à enquêter sur lui. Un documentaire israélo-canadien, The Patriot, lui avait été consacré et programmé au Festival international de programmes audiovisuels (Fipa), à Biarritz en 2018.
Grégory Chelli est accusé donc d’être à l’origine de plusieurs appels malveillants entre 2014 et 2016. Sa cible ? Des journalistes, des élus ou des anonymes, qui auraient critiqués ses méthodes ou qui ne partageraient pas ses convictions sur le conflit israélo-palestinien. Et c’est la maire socialiste Martine Aubry qui va en faire les frais. En 2014, la décision de l’édile de suspendre un jumelage entre sa ville et une commune israélienne, en raison des bombardements à Gaza, motive « Ulcan » à passer à l’acte. Après des appels malveillants et des menaces, il contacte la police en se faisant passer pour l’époux de Mme Aubry. Il déclare alors qu’il vient d’assassiner son épouse « d’un coup de couteau » et assure qu’il est désormais retranché chez lui, armé d’un « Beretta ». Il fait également venir les pompes funèbres au domicile de l’élue, pour qu’elles viennent chercher son corps. Ce canular malveillant est né sur internet et il porte un nom : le swatting.
Ulcan lors d’un reportage de France 2 © DR
Faux meurtre contre un journaliste
Le journaliste Pierre Haski lui aussi a été victime du pirate informatique. A l’époque, il est directeur de publication du média Rue 89. « Le principe, c’est que l’on pirate son téléphone, on appelle les policiers et on indique que l’on a tué sa femme à coups de couteaux ou d’autres horreurs du même genre. Bien évidemment, les policiers débarquent en force, avec tous les moyens qui s’imposent pour un forcené », explique l’avocat du journaliste, Me Antoine Comte. Le hackeur est soupçonné d’avoir multiplié les attaques contre Rue 89, après la publication d’un article critique sur ses méthodes. En octobre 2014, le père de Benoît Le Corre, journaliste à Rue89, est décédé d’un infarctus après avoir été harcelé par Chelli.
Un jour, les parents du journaliste à l’origine du texte, ont reçu un appel d’un homme se faisant passer pour un commissaire. Il leur fait croire que leur fils est mort dans des conditions « atroces », raconte Me Comte, puis il appelle la police, en se faisant passer pour un forcené et donne l’adresse du couple. Là encore, la police intervient avec un important dispositif. Quelques jours plus tard, le père du journaliste de Rue 89, a fait un infarctus. Il en est mort. Cette dernière affaire ne sera pas jugée maintenant. Le dossier est retourné sur la table du juge d’instruction, après que la Cour de Cassation a annulé le renvoi aux assises de Grégory Chelli pour des questions de procédures. Elle sera néanmoins en toile de fond de l’audience.
Ulcan a trouvé refuge en Israël
Ashdod © Celestyal
Au tribunal correctionnel de Paris, le pirate informatique ne fera pas face aux juges. « Il ne se présentera pas », déclare son avocat. A l’audience, en décembre 2021, la représentante du ministère public avait estimé qu’ « Ulcan » était « protégé » par Israël, où « il a trouvé refuge », le dépeignant comme « un hackeur violent, un mégalo imbu de lui-même, qui tape où bon lui semble sans aucune logique et par pure haine de l’autre ». « Ulcan » a notamment été reconnu coupable des délits de « menaces de mort, dénonciations mensongères ayant entraîné des recherches inutiles de la police et de la gendarmerie avec parfois des moyens importants, appels malveillants, violences avec préméditation, menaces de commettre des crimes à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public ».
Maître Gilles-William Goldnadel martèle que son client n’a pas reçu sa citation à comparaître et assure que les dossiers qui l’accusent sont vides. « Il n’y rien ! C’est du grand n’importe quoi ! », s’emporte-t-il. Une autre enquête vise Ulcan : celle du piratage de plusieurs sites de médias, dont celui de France Inter. Le pirate informatique est de toute façon loin des bancs du tribunal. A l’audience, en décembre 2021, la représentante du ministère public avait estimé qu’ « Ulcan » était « protégé » par Israël, où « il a trouvé refuge », le dépeignant comme « un hackeur violent, un mégalo imbu de lui-même, qui tape où bon lui semble sans aucune logique et par pure haine de l’autre ». « Ulcan » a notamment été reconnu coupable des délits de « menaces de mort, dénonciations mensongères ayant entraîné des recherches inutiles de la police et de la gendarmerie avec parfois des moyens importants, appels malveillants, violences avec préméditation, menaces de commettre des crimes à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public ».
Mardi 11 janvier, le tribunal a été au-delà des réquisitions du parquet, qui réclamait une peine de deux ans de détention, un mandat d’arrêt a été décerné. Il devrait être diffusé à l’international. « Le prévenu était absent à l’audience, il réside à l’étranger. Un mandat d’arrêt est nécessaire pour que la peine puisse être exécutée, a expliqué la présidente de la 14e chambre. Les faits sont graves et portent atteinte à l’intégrité psychique des victimes, leur tranquillité et ont été commis en vue de nuire aux victimes, de donner une publicité à leurs souffrances. »
Mais à 3 200 kilomètres de Paris, Ulcan nargue encore les autorités. Il n’existe pas d’accord d’extradition entre la France et Israël.
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