Importante saisie de cannabis par la Police française © LP/Guénaèle Calant

Trafic de drogue : quand les flics deviennent des voyous

Le numéro deux de la police judiciaire de Bordeaux Stéphane Lapeyre, sera jugé par le tribunal correctionnel de Paris pour complicité de trafic de stupéfiants dans une enquête sur des soupçons de dérive de la lutte antidrogue. A ses côtés, huit autres prévenus, dont un autre policier.

D’après un article publié par Libération, jeudi 30 juin, Stéphane Lapeyre «est accusé d’avoir monté une importation de cocaïne pour faire du chiffre, avec l’aide de son subordonné et de plusieurs informateurs», lorsqu’il était encore chef de la division opérationnelle de l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants), relate Libération. Flic un jour, flic toujours ? Selon une expression : « un flic c’est un voyou qui a mal tourné ». Depuis toujours flics et voyous nourrissent l’imaginaire du cinéma.

Quand la fiction s’inspire de la réalité

Affiche du film « Enquête sur un scandale d’Etat » de Thierry Peretti © Pyramide Film

Le scénario ressemble à un film d’Olivier Marshal, ancien flic devenu comédien et réalisateur à qui l’on doit pléthore de films et séries sur le sujet. Dans l’affaire Stéphane Lapeyre Libération, rapporte que l’histoire a commencé en 2013 avec « une banale enquête sur un trafic de stupéfiants », au cours de laquelle des policiers vont mettre sur écoutes un homme « soupçonné d’importer de la cocaïne depuis la Guyane en envoyant la marchandise au fret de l’aéroport d’Orly ». Interpellé, celui-ci évoque le rôle d’un homme dans «la sécurisation du passage en douanes ». Les enquêteurs découvriront ensuite que cet homme est un informateur de l’Office des stups, qui a pour agents traitants M. Lapeyre et son subordonné. Toujours selon Libération, la cocaïne arrivait en France « grâce aux policiers des stups qui ont sollicité les douanes dans le cadre d’une livraison surveillée », technique policière qui consiste à laisser passer de la drogue aux frontières pour mieux démanteler les réseaux de revente, détaille le quotidien. Problème, cela n’a été mentionné nulle part en procédure. Un autre flic, François Thierry a inspiré l’un des personnages du film Enquête sur un scandale d’État, réalisé par Thierry Peretti sorti en 2021. Ce patron de l’office central de lutte contre les trafics de stupéfiants a été débarqué de son poste après la découverte par les douaniers en 2015, de sept tonnes de cannabis dans deux camionnettes stationnées au pied du domicile parisien de son principal informateur, son « tonton » comme on dit dans le jargon. Interprété par Roschdy Zem et Pio Marmaï, le film se base sur le livre du journaliste Emmanuel Fansten, L’Infiltré. En octobre 2017, Libération rapportait que 70 policiers de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) avaient déposé leur arme de service pour dénoncer les poursuites visant plusieurs de leurs collègues, dont le plus gradé d’entre eux, François Thierry, mis en examen pour «complicité de trafic de stupéfiants» par deux juges d’instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris. Les policiers dénonçaient une « doctrine judiciaire fluctuante » et un « climat délétère », et avaient alors menacé de «ne plus acter » dans les procédures conduites par les juges parisiens, accusés d’instruire « uniquement à charge ». A l’époque, le Syndicat de la magistrature avait dénoncé « une grave atteinte à la séparation des pouvoirs par des pressions exercées sur les magistrats du siège et du parquet en vue d’influer sur des enquêtes en cours », déplorant au passage l’absence de déclaration publique de la ministre de la Justice. Ce dossier, touchant aux liens controversés entre policiers et « indics », a ébranlé le système de lutte antidrogue et conduit au remplacement de l’Ocrtis (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants) par l’Ofast (Office anti-stupéfiants) en 2019.

Certains flic développent des amitiés qui peuvent coûter cher

Patrick Catalifo et Bruno Wolkowitch dans « Borderline » d’Olivier Marchal © France 2/ Alchimic

A force de fréquenter les mêmes endroits, bars, boîte de nuit, les flics et les voyous finissent par avoir la même attirance pour le côté obscur. Certains développent des amitiés qui peuvent coûter cher. C’est le cas de Michel Neyret, ex grand flic, le numéro deux de la police judiciaire de Lyon. La justice lui reproche d’avoir accepté de nombreux cadeaux de la part de plusieurs gangsters, et d’avoir fourni de grosses quantités de drogue à certains de ses indicateurs, des voyous qui lui donnaient des informations. Son histoire a inspiré Olivier Marchal, dans Bordeline, Pour réaliser son film, le réalisateur s’est appuyé sur le livre 96 heures, un commissaire en garde à vue, livre-témoignage de Christophe Gavat, l’ex-patron de la police judiciaire de Grenoble, qui avait été mis en cause dans l’affaire Neyret et qui fit tomber ce dernier et bon nombre de ses subalternes. Cette année au mois de mai, un fonctionnaire de police arrivé dans l’Oise en 2019 est suspecté d’avoir transmis des renseignements réservés à la police à plusieurs trafiquants toulousains. Selon le parquet de Senlis, il serait par ailleurs impliqué dans des faits de trafic de stupéfiants. Dans une autre affaire, un trafiquant de cocaïne accuse les policiers de lui avoir volé 34 000 euros lors d’une perquisition à Montreuil Ce trafiquant présumé affirme que les policiers de la sûreté territoriale auraient glissé une partie de l’argent saisi dans leur poche. L’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale, a été saisie. Une plainte pour vol aggravé a été déposée. Toute ces histoires de flics et de voyous, sont transposés à l’écran par le spécialiste du polar qu’est Olivier Marchal. Après 36 Quai des Orfèvres, Les Lyonnais, MR 73, son sixième film Bronx, raconte un règlement de comptes dans les quartiers Nord de Marseille avec au casting Jean Reno, Gérard Lanvin, Kaaris et Stanislas Merhar.

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